Change 4 : Celui-qui-ne-voyait-rien
Steppen | 23 décembre 2009 | 09:00Un des plus importants changements : la RJT semble être devenu une filiale de la Twin Peaks Company.
Cela pourra vous sembler un peu dur mais c’est tellement vrai. Et ça traine depuis un petit moment. Tellement de choses à dire. Je ne sais pas vraiment par où commencer on this one.
Il y a un peu plus d’un an, la femme du Big Boss (Celui-qui-voit-tout, pour les intimes) est venu m’expliquer comment faire un tableau sur un cahier. Avec une règle, un stylo, des colonnes et tout. Putain j’étais trop heureux qu’elle m’enrichisse de choses stupides que je n’avais pas apprises alors que je me travaillais mon ass off (ou presque) à obtenir un double Bac+4. Bref j’ai tenu pendant un an un cahier qui devait être recopié sous Excel avant d’être envoyé périodiquement à toute la Terre (ou presque).
Ce tableau reprenait les affaires en cours, les affaires signées, les affaires refusées ou « perdues« , avec plein d’explications partout et surtout : par quel biais ces prospects avaient entendu parler de la RJT. L’objectif étant de ne cibler que les supports publicitaires qui rapportent. Jusque là, c’est logique.
Sauf que si personne ne lit ce foutu tableau, il en perd tout intérêt. Mme Celui-qui-voit-tout a donc dépensé 80k€ en publicités de manière farfelue, sans aucune cohérence, sur des supports qui n’ont absolument rien rapporté (Télé Z n’est pas franchement lu par la clientèle cible).
A votre avis, qui est tenu pour responsable ? Bingo, c’est moi !!! (Parce que ce ne peut être celle qui a fait un stage photocopie de 2 semaines chez LVMH il y a 10 ans. Oh non !)
Je vous passe donc la tirade d’une demi heure sur le « Vous m’avez fait perdre de l’argent« , quand je n’ai absolument pas mon mot à dire sur les supports publicitaires et que ma tache a été accomplie avec succès. Tant en termes de contrats signés que de reporting.
A cause de cela, mon collègue recruté en Avril a failli se faire virer, puis ils l’ont juste changé de service (car ils n’avaient pas de motif), en me disant « Maintenant, la pub c’est fini, démerdez vous pour faire des affaires avec rien, on trouvera une compensation financière sur les commissions que vous ne toucherez plus, mais continuez à faire des affaires coute que coute, nous saurons être reconnaissant« .
Après deux mois de dur labeur aux chiffres corrects mais sans commune mesure avec l’avant (et donc le salaire qui va avec), j’ai pu comprendre que la compensation financière était un bobard. S’il y en a eu, je n’en ai pas vu la couleur. J’ai donc rappelé mon bon souvenir à Celui-qui-voit-tout sur son engagement, car il était plus que temps…
Suite à ma demande d’entretien pour faire le point, il m’appelle en dehors des horaires de bureau et me dit « il faut qu’on se voit demain, j’ai quelque chose à vous proposer qui va dans votre sens« .
Heureusement que je ne me suis pas trop emballé… Quelle horreur !
En fait Celui-qui-voit-tout, il voit peut être tout sur ses écrans, mais au fond, il ne sait rien. Et comme il n’écoute pas, comprendre est une tâche qui lui est bien compliquée…
Il a commencé par me dire qu’il est égocentrique et que s’il doit gérer les problèmes du personnel : ça le gonfle. Il ne veut pas d’une gonzesse mais d’un vrai mec, qu’il trouve que même si c’était justifié, j’ai été trop absent (duh, ça s’appelle les congés payés) et qu’il faut que je m’engage à ne plus jamais être absent sur l’année à venir. Il me passe de la pommade sur le fait qu’il va ouvrir des agences un peu partout et me veut à la tête de l’une d’entre elles (la chanson que j’entends depuis mon arrivée) puis me propose un deal. Il me sort de mon isolement au sous sol, et me met en charge de prendre tous les appels de clients et prospects afin de leur établir des propositions commerciales et suivre l’ensemble jusqu’à signature et (surtout) règlement. Voire même règlement avant signature si possible, ou règlement sans signature au mieux. En échange, il augmente mon fixe et continue à me rémunérer en commissions sur la même base qu’actuellement.
Il me demande si je suis ok. Malgré la surcharge de travail évidente, je note l’augmentation potentielle de salaire. Confiant en mes capacités à encaisser, je dis oui.
Il convoque alors mes deux supérieurs hiérarchiques directs pour leur annoncer la bonne, la grande nouvelle. Sauf qu’au moment de leur expliquer mon nouveau mode de rémunération : la partie variable disparait…
Je répète pour être certain d’avoir bien compris qu’il venait de changer le deal en moins de trois minutes.
« Donc, vous augmentez mon fixe, je fais le travail de tout le monde, et je n’ai plus de variable, c’est bien ça ?
- Voilà ! »
- Désolé, mais dans ce cas, je ne peux pas vous dire oui. »
C’est à peu près là où je suis entré dans la 4eme dimension. Plus de boulot, un salaire réduit d’environ 800€ nets… WTF ?
L’échange devint des plus discourtois de sa part, entre les « mais qu’est ce que vous croyez ? Que vous valez plus ? Vous n’avez aucune compétence… Votre job se réduit à appuyer sur des boutons« , les « vous m’avez fait perdre de l’argent, et honnêtement, c’est moi qui ai tout fait : je vous ai donné un travail, donné un salaire, donné de la pub, alors vos accomplissements c’est moi » et autres « on a tous des problèmes d’argent, ne pensez pas à votre niveau de vie, votre niveau de vie est négligeable, pensez un peu au mien, il est beaucoup plus important que le votre« , et autres gentillesses, devant mes deux responsables directs.
La perle étant ce moment où il s’est emballé sur les chiffres. « Si je devais vous écouter, vous demanderiez 3000/4500€ (chiffre ridiculement élevé bien que tentant) mais moi je ne peux pas vous les donner. Je vous propose déjà un bon chiffre qui est une bonne moyenne de ce que vous avez fait sur l’année passée« .
J’insiste sur le fait que le chiffre proposé n’est même pas proche d’une moyenne de ce que j’ai réalisé sur l’année passée. Il me prend de haut et sort toutes mes fiches de paie, pensant prouver que j’étais dans le faux. Or j’étais dans le vrai. Et c’est embarrassé qu’il a rétorqué, « oui bon, c’est une moyenne un peu basse, mais c’est tout ce que j’ai à vous offrir… Et donnez moi une réponse assez vite que je sache si vous restez au sous sol« .
Voyant qu’il n’était pas disposé à écouter ce que je pouvais avoir à dire, ni même me laisser en placer une, je suis resté sur ma position et suis retourné « appuyer sur mes boutons« .
Après que je me sois installé à mon bureau, me demandant si je devais continuer à me casser le cul pour un ingrat qui me tient responsable de la médiocrité professionnelle de son épouse qui ne vient bosser qu’1h par jour (quand c’est pas 1h par semaine), il m’appelle et recommence « je suis très déçu que vous n’ayez pas dit oui, moi ce que je vois là c’est que vous n’avez plus la niaque. C’est une très bonne proposition que je vous ai faite. Attention, si vous refusez après ce sera la spirale du chômage (LOL). Ailleurs, ils vous paieront peut être plus, mais il n’y a pas la même renommée qu’ici (re-LOL), et vous savez j’en ai des tas de gens qui sont partis qui m’implorent de revenir (rere-LOL). Vous savez, je ne suis pas à cent euros près, on pourra revoir tout ça d’ici un an. [Votre collègue] que j’ai failli virer a bien compris lui : il a accepté mon deal avec réduction de salaire, sans demander un penny de plus« .
Je refuse à nouveau.
Avant la fin de la journée, il était descendu au sous sol, m’en remettre une couche. « Attendez, vous avez trouvé quelque chose ailleurs? Ici vous avez l’ancienneté, ailleurs ça durera pas. Vous avez trouvé ailleurs? Vous pouvez me le dire… Je ne suis pas à cent euros près« .
Ouais ben désolé, même avec cent euros de plus, on est encore loin du compte. La perte de salaire reste encore considérable.
Le lendemain matin, je découvre mon bureau fouillé (saccagé serait plus proche de la réalité). Ça met en forme pour la journée… Un de mes supérieurs qui avait assisté à l’altercation (sans rien dire), passe me voir et m’explique qu’il se sent mal de cette situation et de ce qu’il s’est dit car j’ai ma place au sein de la RJT, que ce serait dommage que cela se termine ainsi, bla bla bla.
Je lui réponds que « si Celui-qui-voit-tout pensait ne serait-ce que le tiers de ce qu’il m’a dit, on devrait être en train de parler indemnités de licenciement et non négocier un salaire » (copyright FKR).
Il me demande mon chiffre. Je lui donne un chiffre. Il s’en va en me disant « si je me mouille pour vous, je ne veux pas que cela soit pour rien, je veux votre engagement que vous allez rester ici avec nous« .
Je relève l’arnaque du « bon flic, mauvais flic« , mais ne dis rien. Un peu plus tard, ce même supérieur me fait comprendre que c’est réglé, qu’il m’a obtenu un accord sur le montant donné plus tôt.
Celui-qui-voit-tout finit par m’appeler :
« Alors, vous remontez ou vous restez en bas ? (oui, c’est très fin comme approche…)
- Ça dépendra de vous, vous connaissez mon chiffre.
- Vous me mettez le couteau sous la gorge, je vous propose cent euros de plus qu’hier mais c’est tout et on reverra ça dans six mois.
- Non.
- La situation financière est difficile, c’est la crise, on a des problèmes, vous me mettez vraiment le couteau sous la gorge, alors disons cent euros de moins que ce que vous demandez. A partir d’octobre jusque décembre. Votre chiffre à partir de janvier.
- Ok et j’aimerai être intéressé sur les frais de gestion que je facture.
- On verra ça, je ne pourrai pas l’écrire, mais si vous avez de bons résultats, peut être, on verra, peut être même que ça se fera en espèces, mais il ne faut en parler à personne, si ça se sait, je saurai que vous en aurez parlé. N’en parlez à personne, absolument personne. »
Ça aurait presque sonné comme une réplique issue d’un bouquin de John Grisham… Au fond, je sais profondément que je ne verrai jamais la couleur de cet argent. Alors que je vais bosser pour mes collègues qui eux, toucheront un intéressement sur ce que je vais faire à leur place, sans qu’ils ne soient intervenus ne serait-ce qu’une minute sur chacune de ces affaires. Bordel de merde, je suis aussi compétent que ces gens.
Non c’est faux, la vérité est que je suis plus compétent que ces gens.
I’m bitter, me voilà moins bien payé avec plus de travail et un statut de larbin.
Et comme la femme du boss n’a pas dit son dernier mot, elle m’a filé un classeur avec 7cm feuille à feuille de demandes de devis en provenance d’internet depuis 2007 à relancer. Depuis 2007 !!! Initialement, elle devait le faire, mais elle « ne se souvient plus de son mot de passe » pour accéder au logiciel interne, et puis de toutes façons, elle « ne se souvient plus de comment ça marche« …
Depuis, on me cherche des noises et l’on m’incendie (devant le reste de l’équipe) pour tout et rien.
Cela dit, maintenant que j’ai compris qu’avec ces gens là, il n’y avait rien à dire, ça va beaucoup mieux. Je reste là (las), j’entends sans écouter, je souris, alors que dans ma tête, je me détend avec ma propre version de Caprica Six.
Je crois que j’en ai marre de ces petites structures, type familiales où la politique commerciale et les procédures changent tous les 2 jours selon la nuit passée par le dirigeant, et où l’on est contraint de faire des courbettes à des incompétents qui n’en branlent pas une (sauf celle du patron). Je suis compétent. Et je suis bien décidé à mettre mes compétences au service de personnes qui les méritent. De personnes prêtes à miser sur ces compétences, pas en profiter, les utiliser et les écraser selon l’humeur du jour. Je ne veux, je ne peux pas travailler dans un environnement qui me négligera, qui négligera mon travail, mes propositions pour l’améliorer, qui se nourrira du meilleur de moi-même sans contrepartie.
J’apprends vite, et cette leçon d’ingratitude ne me donne plus particulièrement envie de me donner à fond comme avant (d’autant plus que mon salaire restera le même quoi qu’il advienne). Je sais maintenant que je n’ai aucune perspective d’évolution dans cette boite malgré les beaux refrains entendus depuis deux ans. Si mon travail n’est pas apprécié à sa juste valeur, à quoi bon bosser pour ces gens là ? Pourquoi rester si je suis perçu comme un moins que rien ? Il y a plus qu’une forte probabilité pour que je perde mon temps et que je sois en train de gâcher mon potentiel à la RJT.
Ouvrir les yeux est souvent douloureux. Bénéfique, mais douloureux.
[Mode Connasse : ON]
Bonne chance pour t’envoler ailleurs sous de meilleurs hospices.
Cela dit, Celui-qui-voit-tout a aussi su se montrer compréhensif sur ma semaine et demie d’arrêt pour Grippe A et mes récentes demandes d’arrangement de mes horaires pour mes cours de conduite…
sur des congés maladies, et des congés tout court? est ce de la compréhension?
Un congé maladie et un « arrangement », sans congé du tout. Je n’ai pas eu droit à une lettre recommandée cette fois, à ce niveau c’est donc de la compréhension lol
Fuis Steppen Fuis ^^
Il ressort de ma lecture (forcément) attentive de cela que :
- Twin Peaks est toujours ma série préférée (en dépit du fait que j’ai démarré hier soir, la saison 6 des Desperate Housewives), oui je sais, cela n’a pas grand chose à voir
- les petites structures ne sont pas géniales mais les grosses non plus. Tu le sais bien : ce n’est pas la taille qui compte !
- quand il y a du harcèlement (et je vois déjà trois éléments correspondant à la constatation d’un tel état de fait), il n’y a qu’une manière de faire cesser.
Il n’y a pas moyen de faire un petit chantage sur ce que tu sais et ce qui se passe dans la maison? Parfois mettre le poing sur la table et dire merde fait aussi son bonhomme d’effet!…
Blague à part je suis bien content de te relire, je te souhaite une bonne année et je t’embrasse toi et Jay!
Jay : a la Marie Jose Perec lol
Tto : Le plus dur étant de prouver… Petite ou grande structure, l’essentiel étant de finir rentier à 30 ans :p (et vive Twin Peaks !!!)
Fab : J’y pense parfois, quant à mettre le poing sur la table, déjà fait, et ils ont trouvé une raison encore assez floue pour me refoutre une lettre de mise en garde. Excellente année à toi aussi et à très viiiiiite ^^